Un goût simple, les visitandines. Ses
petites barquettes moulées corolle ne font plus la une. C’est pourtant bon les
visitandines. C’est bon jusqu’au cœur. Je les aimais tant chez Alice, moins
chez Lucienne, c’était toutefois les mêmes, version miniatures mais je n’en
faisais qu’une bouchée alors. Faut dire que sans visitandines, on aurait eu
peut de choses à se dire, jambes croisées chez l’une ou chez l’autre, autour de
la nappe à carreaux. Les casseroles alu bec verseur faisaient la conversation
aussi sur la cuisinière à gaz. Querelles de bonhommes, de guerres lasses, les
visitandines nous réconciliaient de tout et de rien. On parlait jardin,
épiscopats, Rina Ketty dans le phono. ‘J’attendrais ton retour’ débordait du
pavillon sans mousser et la musique scindée au temps, coulait dans nos oreilles
encore abasourdies par les sirènes. .
Nos corps sans hommes souffraient de
plaisir, que n’aurait-on donné pour boire une heure d’amour entre deux couvre
feux. Que n’aurait-on donné afin d’un bas couture de plus pour nos jambes. Nos
oreillers puaient la solitude et une naphtaline quotidienne amidonnait nos
jours. Chez Alice, les visitandines étaient toujours présentées dans des
assiettes de Giens à bord dorée. Dévoilant ainsi leur beurre, elles s’y
prêtaient bien, et c’est avec délicatesse que, je les saisissais entre le pouce
et l’index avant d’y fondre mes papilles. Quand enfin, il ne restais plus que
quelques miettes au fond de l’assiette, basculant le dos à la chaise, on jaugeait
pour finalement mettre toujours la même
note.
Extrait de " Bleu blanc, rouge"
Laurette Petit Georges
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