jeudi 7 juin 2012

"Des nouvelles du pays"


           Les platanes perdaient-leur écorces. Ça ne les fait pas mourir, c’est beau, c’est blanc en dessous, c’est lisse. Justin tenait la main de son petit fils, la petite menotte laissait gigoter ses doigts dans la vieille main. Tu vois, les platanes sont alignés en trompe l’œil on les voit de loin, un jour quelqu’un a voulu les couper, les autres l’en ont empêché. Il fallait du bois, le charbon était cher, il a dit qu’on n’avaient rien compris, qu’on était des abrutis, des sales chiens. Le petit trouve ça drôle, ses doigts gigotent encore plus, il tente d’extraire sa main de la pression sécuritaire pour courir un peu mais Justin serre et va doucement le long de la route droite. Encore deux kilomètres pour arriver à Saint Martin, le petit serait très fatigué en arrivant là-bas, il ne pourrait pas le porter. 

Saint Martin était escarpée, une union de collines, des forêts mousseuses protégeaient le village. Des fougères épaisses couvraient généreusement les fossés calamiteux. Jusqu’au cimetière, des champs, des champs, des champs. Il faisait chaud, la moisson battait son plein, des terres agricoles fertiles, grasses, noires, sous la paille couchée. Des hommes au loin sur la remorque s’affairaient dans la sueur de leur chemise. Ils s’étaient tu en voyant arriver Justin, le petit pleuraient sa mère, ils lui proposèrent un bonbon. Justin annonça qu’il avancerait jusqu’au café pour leur dire ce qu’il avait à leur dire. Les histoires de grands sont effrayantes, en arrivant, Justin poussa gentiment l’enfant dehors, lui demanda de s’asseoir et d’attendre un peu.

Les hommes s’étaient installés au comptoir, il prit une bière et l’avala cul sec avant de parler.

«  - Ils sont arrivés ! Ils ne sont pas comme nous ! Ils sont comme à la télé, sauf qu’ils ont les mêmes voitures que nous ! Et leurs femmes ? Au moins quatre gosses par femmes, plus un dans le bide et c’est nous qui payons ça !

Justin reprit une bière et un orangina pour le petit toujours assit sur sa marche.

-         C’est pas ça le pire. Le pire c’est qu’elles sont complètement voilées, un truc devant, là comme ça, on ne voit que leurs yeux ! ça devrait être interdit !

-         Ils restent où finalement ? Le maire dit qu’ils ne sont pas de passage, qu’ils vont s’installer. Qu’ils sont français. Qu’ils feront peut être un peu de bruit.

-         Qu’est-ce qu’ils ont comme meubles aussi reprit-il en finissant sa bière, je les ai vu décharger le camion !

Les gars écoutent. La télé ne raconte pas de mensonges, ils ont dit qu’ils viendraient un jour chez nous. Ils ont dit que ce serait compliqué, que les charcutiers foutaient tous le camp et que les boulangers vendraient du pain noir.


                                                             Laurette Petit Georges  extrait  "Des nouvelles du pays"

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire