mardi 15 mai 2012

L'eau à la bouche


    Hier soir, j’ai regardé le ciel une dernière fois avant d’aller me coucher. Je n’avais jamais vu autant d’étoiles, trop peut-être ? un bordel là haut.. .bordel en haut, bordel en bas et plus j’y pense , plus je me dis qu’on doit se planter, qu’on doit croire en rien, en rien…et puis il y a ce chien, à côté de moi, j’aime bien les chiens. Ces poils semblent collés, on n’imagine pas pouvoir le brosser et puis il me semble qu’il ne voudrait pas qu’on le brosse, il a l’air vieux.
 Ça sent bon le café, des hommes sont assis au comptoir, ils fument, ils parlent, digèrent le journal . Certains ont embrassé la patronne, d’autres lui ont souhaité de bonnes fêtes, elle dit qu’elle a froid, qu’il faut fermer la porte d’entrée, qu’il n’y a plus de sous, que le facteur fait chier de lui avoir mis les factures de ses voisins dans sa boite à lettres.
 Les étoiles sont bien accrochées au ciel, en arracher une poignée, elles résistent dures comme fer. Pourtant…
Y’avait de la poésie sur les toits des maisons, sur les fils à linge, de la poésie jusque dans les poches des pauvres . Là ou on n’imagine pas en trouver ; tapie dans l’ombre, ça ne crie pas la poésie dans la poche d’un pauvre ;  ça lui réchauffe les doigts  cinq minutes. 

LPG  extrait de ' L'eau à la bouche'

mardi 1 mai 2012

Dehors dedans


Huguette ne retrouve pas son porte monnaie. Elle le mets toujours dans la commode. Il n’est pas dans la commode. Elle fait tous les tiroirs, un par un. Tu aurais du le ranger Huguette, maintenant on te la volé, ils sont venus dans la chambre. Sur que c’est eux. Tu ne retrouveras jamais ton porte monnaie. Huguette s’assoie sur le bord du lit, elle met toujours la clé de la maison dans le porte monnaie. Elle ne pourra plus rentrez chez elle. Huguette retourne encore le petit linge dans la cuvette, soulève bas et combinaisons. Rien.
                                                                                                     LPG

vendredi 20 avril 2012

Les formicas


“ Chez Gérard ” on mangeait de la tête de veau à vous ravigoter les jours de déprime. Des saucisses lentilles meilleures que celles d’en face et de vraies frites. Sur la desserte, les Tatin bombaient leurs pommes caramélisées et les îles flottantes s’agenouillaient devant le fondant au chocolat. Situé à l’angle de la rue Baudin et coiffé d’un auvent du même rouge que la marque de bière élue dans les demi des gars, le café se fondait dans les murs des masses populaires du quartier. On aurait pu l’appeler “ Le terminus ”. Juste derrière, la Seine s’évanouissait dans les bras des bateliers, le métro finissait sa course  “  Pont de Levallois ”.

Les clients sont arrivés d’un coup. Ont envahi le moindre espace. Les estomacs sont dans les talons. Certains attendent dehors en file indienne en sirotant l’apéro, guettent les places qui se libèrent, s’installent et gueulent lorsqu’ils attendent un peu trop. Des habitués filent un coup de main au comptoir. Sur la planche de bois, les jambons beurre cornichons jouxtent les rosettes de Lyon tranchées fines. La machine à jambon fume, il ne faut pas y laisser les doigts. De toute façon, le doigt beurre cornichons aurait peu de succès, même dans le meilleur des pains.
“ Mettez le talon ! rabâche madame Ginette à chaque coup de feu, avec la lame, il ne faut pas rigoler ! ”

Pendant qu’incisives et molaires s’activaient, Marcel, penchait sur le Parisien à la recherche de mots à caser dans une petite grille ridiculement coriace à boucher. Pas gênant non plus les formicas pour Marcel ; du moment qu’il avait son Ricard-glaçons-eau et une omelette baveuse sous le nez qu’il arrosait d’un filet de vinaigre.

Pour un vieil homme à longues mèches grises, Marcel était plutôt beau garçon. Un beau garçon désespérément seul portant régulièrement une chemise blanche, un pantalon repassé dans les plis et une paire de chaussures noires à lacets. Marcel ne courait pas après le travail. Le travail ne courait pas non plus après Marcel. C’était comme ça., on lui avait toujours dit nez au vent mon petit gars, regarde à gauche, puis à droite et traverse la vie sans relever la tête, tu verras, elle est belle et elle dure longtemps. Alors il avait choisi le chômage partiellement total et une petite piaule d’hôtel sans ascenseur avec toilettes sur le palier. Lit, table, chaise, transistor, rasoir électrique, petite glace, cuvette.. Soupe en sachets, pastis, camembert, et pince à tiercé. 
                                                                             
                                                 LPG (Extrait 'des formicas')

jeudi 19 avril 2012

Amidonnons l’aride

Amidonnons l’aride
Je regarde à travers la lucarne
Me vois larmoyant
Pleure pas chérie
Me dit le temps
Les rides ne s’acharnent
Que doucement
Ces salopes rient

Sous cape fortuitement

Entre deux gommages

Pleure pas chérie

Ce n’est l’âge
Qui engendre la connerie
Si on chicane
Pour quelques plis
Sans assouplissant
Il est bien sage
De repasser l’oubli
Avant la fane
Dans ses moindres replis

Et là sur le nuage

Dans l’étoupe grisonnante

Tu ne pleureras pas
 Jolie chérie

                                                                LPG

mercredi 18 avril 2012

Autoportrait

Autoportrait

  Il y a toujours de la rumeur au fond du gosier chez Laurette, du gringue à l’intérieur qui fait un peu mal au foie lorsqu’on appuie dessus. Laurette se balance bras croisés sur le cordeau de la vie. Elle aime le vent, la pluie, les chaussures, les jeux à gratter. Elle aime que sa glace rhum raisins fonde au soleil. Prendre des virages à la corde et mettre la gomme en ligne droite. C’est du coeur sous la lunette et de l’encre qui coule du stylo sur la feuille blanche. Exit Laurette ? Elle revient au galop. Ecrivain, écrivaine, femme avant tout, sans âge sous la paupière. Et puis des mains aux ongles coupés d’un coup de dents. Toujours prête, mais jamais à l’heure. 
                                                                                                                       LPG

L’arc en fiel

L’arc en fiel


Il y avait…
Des oui et des non
Il y avait…
Des mesures, des plafonds
Des enfants aussi
Baignés dans le bras du oui
Morflant dans le bras du non
Et puis tout s’est refermé
Sur un bras du ciel
Qui empestait le soleil
                                         
                                                                           LPG